“ Alors oui je sais vous avez déjà été sûrement appelé plusieurs fois concernant les aides de l’Etat, …”. Si vous aussi vous avez déjà entendu cette voix (vous l’avez même peut-être en tête en lisant cette phrase), alors vous faites parties des personnes sollicitées par du démarchage téléphonique.
Mais plus pour très longtemps, car le démarchage téléphonique sans consentement explicite vit ses derniers mois en France. Un proposition de loi a été validée définitivement par le Sénat ce mercredi 21 mai après avoir été adoptée par l’Assemblée nationale début 2025. Elle entrera donc en vigueur le 11 août 2026.
Cette loi répond à une exaspération générale du public face au démarchage abusif : 97 % des français se disent agacés par le démarchage commercial selon un sondage UFC-Que choisir datant d’octobre 2024.
A travers cet article, nous vous résumons les éléments essentiels pour comprendre le contenu et anticiper ses conséquences juridiques, économiques, opérationnelles et organisationnelles pour les centres de contacts.
Un « opt-in » généralisé : ce que prévoit la nouvelle loi
Cette réforme vise à interdire les appels commerciaux non sollicités en inversant le principe historique du secteur. Jusqu’à présent, on opérait en « opt-out » : tout numéro pouvait être contacté, sauf s’il était inscrit sur une liste d’opposition (Bloctel) ou avait exprimé un refus. À partir d’août 2026, plus aucun appel de prospection commerciale ne pourra avoir lieu sans l’accord explicite du consommateur au préalable.
Concrètement, il faudra que le consommateur ait coché une case d’autorisation, rempli un formulaire, ou de toute autre manière, formulé un consentement libre, éclairé et vérifiable avant même le premier appel. Ce consentement préalable rapprochera le démarchage téléphonique des règles déjà applicables aux e-mails ou SMS publicitaires qui exigent l’accord du destinataire.
Les exceptions autorisées
Le législateur a prévu quelques cas dérogatoires bien délimités, afin de ne pas pénaliser certaines communications utiles.
Le “client en cours”
Le service clients pourra continuer à contacter son client existant dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours sans consentement préalable. Par exemple, un fournisseur d’énergie pourra proposer à son abonné une offre complémentaire liée au contrat d’électricité en cours, ou un opérateur télécom pourra appeler son client actuel pour un service additionnel – à condition que l’offre soit afférente ou complémentaire au contrat en question et susceptible d’en améliorer la qualité. En revanche, contacter un ancien client dont le contrat est terminé, ou prospecter pour un produit sans rapport avec la relation en cours, restera interdit sans consentement explicite.
L'intérêt général
Il sera toujours possible de passer des appels à des fins non commerciales, par exemple pour une campagne de santé publique, de sécurité civile ou tout autre motif d’utilité publique.
Les enquêtes et sondages
De même, les enquêtes d’opinion, sondages et autres appels purement administratifs ou humanitaires ne sont pas concernés par le nouveau cadre, qui cible uniquement la prospection commerciale et publicitaire.
Un encadrement dédié aux consommateurs (BtoC)
Enfin, cette loi encadrée par le code de la consommation est à destination des personnes physiques (les consommateurs). Elle concerne donc les appels téléphoniques à des particuliers à leur domicile ou sur leur mobile, que ce soit pour vendre un produit, un service ou recueillir une souscription. Le démarchage entre professionnels (BtoB) : les appels à destination d’entreprises, artisans, professions libérales, etc., ne sont pas concernés par l’obligation d’opt-in dans ce texte.
Des obligations juridiques accrues
Du point de vue juridique, le nouveau dispositif impose aux professionnels une obligation de preuve du consentement. En cas de contrôle, il faudra être capable de démontrer que chaque numéro appelé a bien opté pour le démarchage téléphonique. Les bases de données prospects devront donc être bâties à partir de consentements explicites (case à cocher, formulaire signé, etc.), dûment horodatés et conservés comme éléments de conformité.
Pour les centres de contact, cela implique la mise en place de processus de collecte et d’archivage des consentements robustes, en lien avec les services juridiques et le ou la DPO (délégué(e) à la protection des données) le cas échéant. Il sera crucial d’auditer les fichiers existants : toute coordonnée téléphonique dont le consentement « opt-in » ne peut être attesté devra être retirée des campagnes de prospection.
La loi prévoit par ailleurs des règles de conduite :
- Insister face à un interlocuteur qui dit « non » sera formellement proscrit, de même que toute tentative de le recontacter ultérieurement – là où, jusqu’ici, un nouveau rappel restait possible après un délai de 60 jours malgré un refus.
- Il deviendra interdit de conditionner la vente d’un produit ou service au fait que le client accepte d’être démarché par la suite.
- Un délai de carence de 24 heures sera imposé avant qu’une offre issue d’un démarchage téléphonique puisse être finalisée. Autrement dit, un prospect démarché par téléphone ne pourra pas souscrire immédiatement durant l’appel : il devra attendre au moins un jour avant de donner son accord définitif (par exemple via un rappel ou une confirmation par mail).
Des sanctions renforcées
Le non-respect de ces règles par une entreprise pourrait entraîner une amende s’élevant jusqu’à 20% de son chiffre d’affaires annuel moyen en France, ou jusqu’à 500 000 euros pour une personne physique. À titre de comparaison, le plafond actuel des amendes était de 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une société.
Le partage des informations est également prévu entre les trois autorités de contrôle que sont la répression des fraudes, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).
Quels impacts pour le centre de contacts ?
Globalement, cette loi va venir impacter les centres de contacts dont tout ou partie de l’activité repose sur la prospection téléphonique.
Modèle économique :
Avec un volume de contacts joignables en forte baisse, ces structures voient leur modèle économique fragilisé. Le coût d’acquisition va augmenter (leads opt-in, campagnes digitales), et les campagnes de masse vont devenir inopérantes, nécessitant un repositionnement sur des cibles qualifiées.
Réorganisation stratégique :
Cette réforme impose une transformation du rôle des agents et des campagnes. Les équipes doivent passer d’une logique de volume à une logique de valeur : gestion de leads entrants, recontact clients existants, personnalisation des échanges. Le téléphone devient un maillon dans un parcours omnicanal, souvent en aval d’une démarche digitale du client.
Défis opérationnels :
Les centres orientés appels sortants doivent revoir en profondeur leurs outils et processus : bases de données filtrées par consentement, paramétrage strict des solutions d’appel (fréquence, horaires), traçabilité du « oui » du prospect. Chaque appel devient plus stratégique, mais aussi plus contraint techniquement et juridiquement.
ISI-COM, déjà conforme avec la future loi
ISI-COM permet d’ores et déjà d’être conforme à la réglementation en intégrant des fonctionnalités telles que la gestion de l’interdiction du démarchage en cas de refus, l’anonymisation et la suppression des données, API pour gérer la mise à jour des contacts, … Vos campagnes de prospection peuvent donc être effectuées dans un cadre respectueux, sécurisé et conforme.
Pour résumer, cette loi impose une révolution culturelle et opérationnelle aux centres de relation clients qui pratiquent le démarchage téléphonique.
Mais elle pousse aussi à une relation client plus respectueuse et efficace, centrée sur la confiance et la qualité du contact. Les directeurs de la filière devront faire preuve de pédagogie, d’anticipation et d’agilité pour transformer cette contrainte réglementaire en levier d’amélioration.
Les centres qui s’adaptent tôt peuvent en faire un levier d’image, de performance et de différenciation. Chaque centre de contact doit dès maintenant préparer sa transformation vers l’opt-in, en mobilisant ses équipes, en investissant dans les bons outils, et en repensant sa stratégie autour d’un principe cardinal : le respect du choix du client.